Château Saint Bonnet Le Froid
Chateau st bonnet le froid vu du ciel

L'histoire de Saint-Bonnet-le-Froid

Plus de 2000 ans d'Histoire et des temps forts.

Il est logé tout là haut sur les monts du Lyonnais, à deux pas du col qui porte son nom, sur un repli que protège la forêt, en surplomb de la Brévenne, et si son regard plonge vers le Pays de l’Arbresle, il est aussi aux portes de Lyon. Il est le résultat de grandes séquences historiques depuis les Celtes, son architecture et ses vestiges portent les traces de multiples épopées, il intrigue, il étonne sans cesse, il sait aussi se montrer chaleureux...

Le site du château de Saint-Bonnet ne laisse jamais indifférent et il se mérite.

Le Château : Son histoire, ses origines, les légendes de ce lieu exceptionnel. 

On peut se demander si cela nous éclairerait sur le mode de vie des Celtes, leur rapport à la forêt proche, leur travail et leur usage des métaux, leur culte des sources, les légendes qui entourrent le château… dans cette partie des Monts du Lyonnais à l’ouest de Lyon, avec sa succession de de cols entre Lentilly et Saint-Martin en-Haut, avec deux oppida d’altitude rapprochés. L’un, le Mercruy, est sur un sommet de 570 m, l’autre, le Chatelard, quelques kilomètres au sud, se niche à 888 m d’altitude ! Et l’un et l’autre ont une similitude. Dans les deux cas les Celtes y ont croisé les Romains et les deux sites continuent d’être occupés après la conquête.

Le col de Saint-Bonnet-le-froid est-il déjà au départ, avant l’occupation romaine, un lieu de passage et de culte ? Autant de questions qui nous concernent, qui concernent son histoire, ses origines, les légendes de ce lieu exceptionnel.

Il est en tout cas possible que la voie romaine qui le franchissait ait emprunté un itinéraire déjà existant. A cause de la source, sans doute, mais aussi parce que le relief est plus facile qu’à d’autres cols avec des accès plus régulièrs à l’est comme à l’ouest.

Il faut imaginer ensuite Saint-Bonnet à l’époque romaine. On n’y trouve pas trace d’habitat, mais, dans cette région montagneuse, les itinéraires, quels qu’ils soient, sont forcément influencés par la proximité de Vienne et de lugdunum, et plus précisément par les deux grands chantiers pharaoniques des aqueducs très proches, de l’ Yzeron et de la Brévenne. Bien que la chronologie ne soit pas précise, le premier pourrait avoir été construit une dizaine d’années avt. JC, le deuxième, une cinquantaine d’années après JC. En clair, à l’époque, les lieux voisins de Pollionay, Vaugneray, Yzeron, d’une part, de Courzieu, Chevinay, Saint-Pierre-la-Pallud et Sourcieux d’autre part, sont sans doute impactés par des grands travaux qui consomment des effectifs et des moyens considérables. Plusieurs cols sont sans doute pratiqués pour les déplacements.

Plusieurs trajets ! Celui de Saint-Bonnet est, selon la Carte Archéologique de la Gaule, « attesté par Strabon ». « C’est une des voies établies par Agrippa au 1er siècle avant JC… ». La table de Peutinger, elle, signale aussi l’existence d’un axe entre Lyon et Feurs. Des vestiges diffus ont été recueillis à Pollionay, au Recret, au col même, à Chevinay, aux hostelleries, à Grézieu-la-Varenne, à Brussieu, Saint-Laurent de Chamousset… Et ladite voie sert à plusieurs reprises de limite communale, ce qui est le cas entre Courzieu et Chevinay. La toponymie évoque notamment « la voie romaine » à Tassin et Pollionnay, « le Pavé » à Courzieu même sur le site de Saint-Bonnet.

On retrouve cette voie romaine plusieurs siècles après. Un bond nous transporte de la décadence romaine et de l’implantation du christianisme, à 722, année où les dépouilles de Saint Bonnet, archevêque de Clermont, passent par le col. Nous sommes presque à la fin du monde Mérovingien, période marquée par les rapports étroits entre la royauté et le Christianisme, époque considérée aujourd’hui par les historiens comme fondatrice du Moyen Age et du féodalisme. En 722, les voies romaines sont régulièrement réutilisées. Le pèlerinage à Saint-Bonnet-lefroid, qui servira pendant très longtemps de fil conducteur à l’histoire du site, s’ancre durablement.

vu du Chateau de saint bonnet le froidPhotos de la vue du Château de Saint Bonnet Le Froid, de nos jours. Photographie : Camille Jimenez

Des personnalités tout au long des siècles.

Que trouve-t-on alors sur place, une fois passé le col, un peu plus tard, aux tous premiers pélerinages ? Une pierre, une croix, une chapelle, une source, des légendes ? La forte présence, plus tard, de l’Abbaye de Savigny, nous fait faire un autre bond en 927. Une charte du cartulaire mentionne ce lieu comme situé aux limites d’un manse sous son emprise. Une église de Saint-Bonnet est notée plus tard encore dans une autre charte du début du XIIème siècle, dans un environnement fait d’une forêt en cours de défrichement où l’abbaye possède déjà cinq curtils ». Il y est question de « nouvelles terres cultivées » et de récoltes de bois. Encore un bond et nous voici au XIVème siècle, où il y est encore question de église.

La mainmise de Savigny sur Saint-Bonnet tient au maximum à deux repères. 927, en amont, et 1781 en aval où l’abbaye est dissoute. Plus de 800 ans, c’est le record de longévité. C’est plus que les emprises ségusiaves ou romaines, plus encore que celle des « Blanc se Saint-Bonnet » qui viendront ensuite, vraisemblablement à partir de la fin du XVIème siècle, jusqu’à la fin du XIXème. Le cadastre de 1824 mentionne les restes d’un édifice religieux, une chapelle sur la partie de Saint-Bonnet située sur la commune de Courzieu. S’agissait-il d’une toute première chapelle érigée après le passage de Saint-Bonnet, on ne le sait pas. Les Blanc l’ont reconstruite à leur manière au XIXème siècle ! Des documents abbatiaux, il n’émane finalement que peu de repères entre la période mérovingienne et la fin du Moyen Age. Chapelle, Eglise, domaine, puis plus tard auberge et groupe de maisons, les transformations se font peu à peu. L’abbaye y nomme un prêtre desservant, elle y a une maison, dépendant de son grand cellerier, mais on n’en sait pas beaucoup plus sur cette longue période si ce n’est que les abbés ont maille à partir avec une famille, les Blanc, à partir de 1558. Leur apparition pourrait même être antérieure à cette date.

Comment la famille Blanc arrive- t’elle là ? Mystère ! Jacques Blanc, le premier de la liste, y aurait séjourné entre 1558 et 1610. Qui est-il, qu’y fait-il, y possède-t’il une maison, est-il un bûcheron, travaille-t-il la terre, a-t’il quelque chose à voir avec l’Abbaye ? Nul ne le sait ! C’est à partir de lui que tout semble commencer. Un Antoine Blanc est signalé ensuite entre 1634 et 1646. Est-ce son fils ? Probablement ! Il est « hoste et « marchand », ce qui laisse supposer que le lieu est très fréquenté, que la voie livre son lot de pèlerins et de voyageurs, sur les anciens itinéraires des foires du Moyen- Age. La voie est une transversale sans doute très empruntée entre les axes qui, de Lyon et Saint-Etienne vont vers le nord (voir la carte des études foréziennes), vers les grands centre d’activité Un François Blanc, « marchand » à Saint-Bonnet et « praticien (éclairicir) » à Courzieu, prend sans doute la suite. On sait de lui qu’il est enterré à Chevinay en 1707.

C’est peut-être sous ces derniers personnages que des soucis se font jour du côté de l’Abbaye, comme le montrent des écrits de 1667 et 1714 où les sieurs Blanc auraient squatté la maison du cellarié. Le suivant, Jean (Baptiste) Blanc, marchand, décédé en 1751, éprouve sans doute le besoin de justifier la situation en faisant état d’un «contrat d’acquêt» fait par François, son père, et d’un inventaire des «constructions, réparations de même que les acquisitions des différents meubles et effets» susceptibles d’éviter les contestations. Suit un Jacques, décédé en 1766. Puis Antoine, né en 1752. C’est à cette époque qu’ils se nomment les « Blanc de Saint-Bonnet ». C’est ainsi que les Blanc se sont peu à peu rendu maitres des lieux, un domaine considérable, ajoutant des maisons les unes aux autres au fur et à mesure de leurs affaires, amassant une fortune considérable.

Pour se faire une idée de leur activité à cette époque on citera les cahiers de décembre 1757 de M. Seguin, avocat au parlement et aux cours de Lyon, selon qui « le sieur Blanc, habitant du lieu de Saint-Bonnet le Froid, paroisse de Chevinay, en Lyonnais, riche de cent mille écus, était préposé par le roi de Prusse pour acheter du froment de toutes parts, il le passait par les Dauphiné et de là en Suisse ; les Suisses et les Genevois le faisaient passer en Westphalie …..()… Qui croirait que le roi de Prusse tire des blés du royaume, notamment de de la province de Lyon et du Forez ? »

Puis il y eut Joseph, né à Savigny en 1784, avocat. La famille gravit l’échelle sociale ! C’est à ce moment que l’Abbaye est dissoute. Les Blanc y sont une réalité depuis plus de deux siècles au cours desquels ils ont cultivé toutes les dimensions historiques de ce lieu magique au destin hors pair. La dimension celtique, avec la source sacrée, la renommée antique de la via d’Agrippa, le lieu de culte et l’auberge où le pèlerin se retrouve et se désaltère, dort et se sustente, la halte médiévale par où transitent les échanges, jusqu’à l’aspect Balcon en Forêt d’où le regard plonge à l’infini vers la Brévenne et l’Ouest. Une chose est certaine, les Blanc y font fortune et leur condition s’élève de génération en génération. Joseph, avocat à Lyon, est aussi secrétaire du Comte d’Albon, maire de la ville en 1813. Et enfin, le dernier de cette longue lignée, Antoine-Adolphe, né à Lyon en 1815, est écrivain, journaliste et un philosophe.

Dernier propriétaire du domaine, Antoine-Adolphe Blanc de Saint-Bonnet nait à Lyon en 1815 et il a une trentaine d’années vers 1830 lorsque débute en France le mouvement légitimiste dont il sera l’un des penseurs majeurs jusqu’à sa mort en juin 1880. Après l’enseignement de la philosophie, il fait des études de droit en 1836-1839 à Paris. Il hérite de Saint-Bonnet-le-Froid en 1841, date où se situent ses premiers ouvrages, plus d’une dizaine d’oeuvres étalées jusqu’à sa mort.

Chateau st bonnet le froid entréePhotos de la vue du Château de Saint Bonnet Le Froid, de nos jours. Photographie : Camille Jimenez

Le Château de St Bonnet-le-Froid et la religion

Nous sommes en pleins débats avant et après la Révolution de 1848 à sa mort en 1880. Quelques citations en éclairent les propos successifs : « Vous qui séparez la raison et la religion, sachez que vous détruisez l’une et l’autre. La religion est la santé de la raison ; la raison est la force de la religion. La religion sans la raison devient de la superstition. La raison sans la religion devient de l’incrédulité » (L’Unité spirituelle).

« L’industrialisme [...], accumulant sur quelques points le monopole des capitaux, amène l’exploitation de l’homme par l’homme» (La Légitimité).
« Le profit [...] sous une forme intelligente, sous un aspect légal, c’est une anthropophagie» (La Légitimité).
« L’homme sans Dieu n’aboutit qu’à immoler l’homme» (La Légitimité)
« Le socialisme [...] découle du libéralisme» (La Légitimité).
« L’erreur commence au protestantisme et finit au socialisme. Les autres erreurs sont les diverses stations de la même pensée» (La Restauration française).
« Le mal est religieux, la révolution est religieuse, le remède est religieux, nous ne guérirons que religieusement» (La Restauration française).
« Fondée sur des chimères et soutenue par l’imposture, elle [la république] conduit les peuples à leur perte et l’humanité à sa fin.» (La Restauration française).
Antoine-Adolphe Blanc de Saint-Bonnet prônera aussi l’infaillibilité pontificale, s’opposera aux idées qui traversent le siècle de la révolution industrielle, l’évolution des mathématiques et des sciences. Avec lui se termine une saga familiale liée au site et aux époques traversées, de simples marchands à un philosophe important dans son siècle. Décidément, le site de Saint-Bonnet, avec son col, aura marqué régulièrement l’Histoire depuis plus de 2000 ans.
Le site de Saint-Bonnet, tel qu’il se présente à nous aujourd’hui, est un vaste ensemble à peu près similaire à ce qu’il est vers 1870, époque où le dernier de la lignée des Blanc, Antoine-Adolphe, se voyant sans descendance, le propose au Conseil Général du Rhône. Un ensemble de plus de 181 hectares ! Le Conseil Général déclinant l’offre, Antoine-Adolphe cherche alors un acquéreur et présente le domaine de la manière suivante : « Château avec 181 hectares, 64 ares, (1420 bicherées) d’un ténement ; à 20 kilomètres de Lyon : à 18 kilomètres de la gare de Vais ; à 5 kilomètres de celle du chemin de fer de Lyon à Bordeaux ; desservi par deux routes nouvelles : deux marchés à une heure pour écouler les produits de la bassecour…. » A l’évidence, le souci est de ratisser large, mais Antoine-Adolphe a parfaitement raison. Saint-Bonnet est à portée immédiate de Lyon et l’expérience de la Mère Brazier, moins d’un siècle plus tard au col très proche de la Luere, est là pour montrer que ni la distance ni la solitude dans les sapins n’ont jamais fait reculer personne. La mère Brazier n’y-a-t’elle pas eu 3 étoiles.

Antoine-Adolphe poursuit et sa façon de décliner l’offre est parfaitement édifiante. Il réunit tous les arguments qu’ont développé ses ancêtres depuis plusieurs siècles. « Habitation ancienne, construite en 1400 ; Vastes étendues de forêts : soit 490 bicherées environ ; potagers, vergers, châtaigneraies, cheneviers, terres arables : 420 bicherées ; hautes futaies exceptionnelles et taillis en bois de… : 5510 bicherées ; bois et sols traversés par quatre communes ; relations électorales avec des cantons. ». « Chapelle avec pèlerinage, datant des premiers siècles de l’ère chrétienne ; beau clocher, flèche de cent pieds ; horloge, beffrois, ornements, vases sacrés ; position à comparer à celle des bords du lac de Genève, mais avec une vue qui s’étend sur huit départements et sur la chaîne des Alpes pendant 120 lieues ; matériaux réunis sur place pour ajouter une aile au château, en cas de famille opulente. ». « Vastes dépendances ; terre peut-être unique par l’étendue du ténement à la porte d’une grande ville ; avec ses futaies, sa position, sa vue, la beauté de ses promenades, c’est une de plus belles propriétés du Midi de la France ; principal revenu : bois de construction, foins se vendant à Lyon à bon prix ; céréales, laitages, fruits, etc «Bon vendeur ; pas d’hypothéque » La plupart des bâtiments existants ont été construits en un peu plus de cent ans, de Jacques Blanc, en 1740, à Antoine-Adolphe, jusque vers 1850.

Chateau st bonnet le froid arcadePhotographie : F.BOX 

Le Château de nos jours...

C’est dans cette période que la physionomie actuelle se dessine. Dans cette phase se succèdent Jacques dont on sait qu’il décède à 57 ans en 1766, Antoine, né en 1752, Joseph, né à Savigny en 1784, avocat à Lyon, puis Antoine-Adolphe, né à Lyon en 1815, mais les deux principaux acteurs sont Jacques et Antoine-Adolphe. C’est eux qui impriment à Saint-Bonnet ses apparences actuelles dont une façade pour le moins étonnante, et ses deux tours, non moins surprenantes, tournée vers la Brévenne, une chapelle, reconstruite en 1843/1844 avec un clocher de 100 pieds, et, le moins qu’on puisse dire, ne correspond pas aux standards architecturaux… Dans « Courzieu » N° 35 du « préinventaire des monuments et richesses artistiques » du Rhône, on lit « qu’Antoine-Adolphe Blanc de Saint-Bonnet… a hérité en 1841 d’une belle fortune et d’un grand domaine dans lequel il choisit de vivre et qu’il prit soin d’aménager à son goût. Après avoir restauré la chapelle… il entreprit… de transformer l’ancienne maison-auberge, dans laquelle sa famille habitait depuis des siècles, en un château moyenâgeux orné de tours crénelées. Comme pour la chapelle, il ne semble pas qu’il ait fait appel à un architecte et sans doute a-t-il été sensible à l’esprit troubadour de son temps ; son désir évident était de donner un caractère médiéval au site de Saint-Bonnet et il y était effectivement parvenu. ». On notera aussi que le chemin, à savoir la voie romaine, l’axe historique, qui traverse l’ensemble, va être détourné à l’extérieur vers 1850, Antoine-Adolphe Blanc obtenant l’autorisation de fermer le passage. Le domaine est finalement cédé en 1897 aux facultés catholiques de Lyon par son héritière, sa soeur, madame Zénaïde Blanc, puis il sera acquis en 1917 par la famille Grange-Chavanis qui en fera un auberge très prisée jusqu’à 2016 où Monsieur et Madame Vidal le reprennent en élaborant un projet de tout premier plan.

Antoine-Adolphe Blanc nous indique qu’une première maison est construite 1400. On pense en tout premier lieu à l’habitation nécessaire pour accueillir un prêtre desservant de Savigny, cette maison qui va faire plus tard l’objet d’un litige entre l’abbaye et La famille Blanc. Mais qu’en est-il déjà du lieu de pélerinage. Y-a-t-il déjà une chapelle ? Le cadastre de 1824 note l’existence d’une ruine sur laquelle Antoine-Adolphe Blanc construit la chapelle actuelle. Dans ce cadastre, on note déjà les extensions réalisées autour de l’auberge, qui a sans doute remplacé la maison précédemment citée. On y a ajouté des écuries, une immense grange avec des dépendances sans doute utiles pour traiter les affaires et éventuellement stocker les marchandise. Le troisième pôle est le château, construit en face de l’autre côté de la voie sur Chevinay avec sa façade pour le moins étonnante. Quant aux propriétés, au total 181 hectares, l’offre d’Antoine-Adolphe Blanc nous apprend comment elles étaient utilisées et on note qu’elles ont un volet forestier.

Auteur Monsieur GUY LEDUC